Contexte

Chronologie de l’utilisation de la terre crue dans la construction

- 8 000 av. J.C.

Les plus anciens vestiges retrouvés : ville en brique de terre à Jéricho.

- 650 av. J.C.

Amérique centrale : pyramides et maisons en terre.

300

Maisons en terre habitées par la tribu amérindienne Hohokam.

1100

Amérique du Nord : maisons en adobe à étages des indiens anasasis.

1979

Création de l’association CRAterre à l’initiative d’étudiants (Grenoble).

2005

Consctruction de mur en béton d’argile coulé (vers Grenoble).

2010-2013

Recherche sur le béton d’argile (Amàco et CRAterre, AE&CC, ENSAG).

2019

Rédaction des Guides de bonnes pratiques de la construction en terre crue.

La terre crue dans la construction

La terre crue est utilisée comme matériau de construction depuis que l’humanité est installée en village (environ -10 000 av.JC). Ce matériau local a traversé les époques notamment par sa disponibilité directe sur les sites de construction et par sa capacité à être utilisé sans transformation majeure.

Suivant les localisations et les qualités de terres, différentes techniques traditionnelles ont été développées par les bâtisseurs (adobe, torchis, pisé, bauge, enduit…).

La révolution industrielle et la modernisation des 2 derniers siècles ont poussé au développement de nouveaux matériaux et de nouvelles solutions techniques de construction nécessitant moins de main d’œuvre (énergie humaine) mais plus d’énergie externe (électricité, fioul, gaz…).

La situation économique et la prise de conscience environnementale actuelle nous pousse à retrouver une cohérence et du bon sens dans l’utilisation de matériaux locaux et de matériaux premiers engendrant moins de transformation, de consommation d’énergie et d’impacts environnementaux.

SCOP Ecozimut est ravie de vous présenter le « Guide pour la bonne conduite d’un projet en béton d’argile coulé ».

Guide pour la bonne conduite d'un projet en béton d'argile coulé

Cadre de rédaction et participation

Ce document réalisé par la SCOP ECOZIMUT, est issu d’un projet de recherche nommé BETTERSIST, mené entre 2019 et 2021 avec la participation d’acteurs compétents à l’échelle nationale : Amàco (Atelier Matière à Construire) ; BE-terre ; SCOP Intersections ; Alpes contrôle ; Esteana ; Briques Technic Concept ; Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions (LMDC – INSA Toulouse). Des échanges ont aussi eu lieu avec les partenaires industriels suivants : Cemex, BASF, Plâtre Vieujot, Briqueterie Capelle et Oxara.
Nous remercions l’ensemble de ces acteurs pour leur participation et leurs apports ayant permis d’enrichir ce travail.

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Introduction

Avantages de la construction en terre crue

L’utilisation massive de terre crue dans les projets est un élément primordial pour répondre aux enjeux techniques, économiques et esthétiques, auxquels s’ajoutent les critères environnementaux : économie des ressources naturelles, maîtrise des risques sur l’environnement et sur la santé en particulier.

En effet, la terre crue a de nombreux avantages :

  • Matériau local

  • Matériau peu énergivore

  • Matériau abondant et réutilisable

  • Matériau durable

  • Matériau sain

  • Matériau hygroscopique

  • Matériau esthétique

Bettersist granulometrie terre crue dans la construction

Les techniques traditionnelles de constructions en terre crue ont aussi une forte valeur ajoutée par leur accessibilité et leur simplicité d’apprentissage. Accessibles pour le plus grand nombre, ces techniques constructives permettent des phénomènes sociaux positifs en favorisant le travail humain devant le travail mécanisé. On parle de techniques à forte intensité social et créatrices de lien social.

Présentation du béton d’argile coulé

Il est difficile de trouver un juste équilibre entre les techniques traditionnelles, présentant tous les avantages du matériau terre crue mais difficilement généralisables pour l’ensemble des projets à cause des contraintes économiques et des plannings de réalisation et les techniques de construction industrielles type béton de ciment banché qui sont très économiques et largement connues, mais trop impactantes pour notre environnement.

Ce constat nous a amené à penser qu’un « juste » équilibre pourrait être pertinent à développer. Ce document est une proposition de « guide méthodologique » pour l’utilisation plus massive du matériau terre avec une technique de mise en œuvre sous un format de béton banché.

Le matériau étudié est le béton d’argile, la technique constructive associée est celle du béton d’argile coulé (argile crue ou stabilisée).

Développement d’un projet

Bettersist execution

Programmation et assistance à la maîtrise d’ouvrage

Arguments économiques, sociaux et environnementaux

Pour une maîtrise d’ouvrage, il y a de nombreux avantages à l’utilisation de matériaux naturels et locaux.

Guide pour la bonne conduite d'un projet en béton d'argile coulé

Organisation à mettre en place

Il est fortement préconisé pour une maîtrise d’ouvrage d’être accompagnée par un AMO (Assistant maîtrise d’ouvrage) pour les sujets sortant des pratiques courantes.

Analyse de terre

Analyse de terre

L’analyse de la terre de site permet de connaître la matière, d’appréhender ses caractéristiques et ses qualités pour envisager son utilisation en tant que matériau de construction.

Avant tout essai, il est primordial d’avoir une terre exempte de matières organiques et sans éléments étrangers indésirables (déchets, pollution de sol, etc…). Il sera donc vérifié l’historique du lieu pour les pollutions éventuelles et étudié la terre minérale sous la couche de terre végétale.

Les deux types d’essais existants pour l’analyse d’une terre sont autant différents que complémentaires. Il est donc important de réaliser les deux afin d’avoir une vision globale de la terre et de pouvoir la caractériser au mieux.

Guide pour la bonne conduite d'un projet en béton d'argile coulé

Essais de terrain

La première partie des essais à faire est dite d’analyse « terrain ». L’interprétation de ces essais demande une certaine habitude et une certaine expérience des sols mais ces essais ont l’avantage d’être réalisables sans matériel spécifique. A défaut d’être des données quantifiables, les résultats sont qualitatifs et viennent fortement renforcer les données des résultats scientifiques issus de l’analyse de laboratoire.

Guide pour la bonne conduite d'un projet en béton d'argile coulé

Essais de laboratoire

La seconde partie des essais sont des essais dits de laboratoire. Il s’agit de plusieurs essais normés permettant de caractériser les sols. Les résultats qui en sont issus sont quantifiables. Ces essais doivent être réalisés en respectant les normes correspondantes pour se rattacher à la classification des Guides des Terrassements Routiers (GTR), associé à la norme NFP- 11-300.

Résultats

Le diagramme ternaire obtenu par la sédimentométrie donne une classification permettant de caractériser la terre rapidement et visuellement. Mais l’ensemble des résultats des essais terrains et de laboratoires sont importants pour une bonne caractérisation de la terre.

diagramme ternaire analyse de terre Bettersist
diagramme ternaire analyse de terre Bettersist

Conception

Les bonnes pratiques de conception

Pour une bonne conception, il est nécessaire de prendre le temps de se poser les bonnes questions :

  • Quelle sont les ressources disponibles à proximité du projet ?
  • Comment intégrer ces matériaux dans le projet et sa conception ?
  • Puis-je utiliser la terre de terrassement du site ?
  • Mes matériaux peuvent-ils assurer plusieurs fonctions ?

Pour utiliser le béton d’argile coulé au mieux il est préférable :

  • De mettre en place un soubassement suffisant pour éviter les remontées capillaires.
  • D’opter pour une utilisation en mur intérieur afin de bénéficier de la capacité de régulation hygrothermique et de l’apport en inertie thermique, et ainsi améliorer le confort intérieur.
  • De bien répartir les charges pour limiter les surcharges ponctuelles.

Études techniques nécessaires

Pour plus d’infos sur les études techniques détaillées n’hésitez pas à consulter le guide !

COMPORTEMENT ACOUSTIQUE

Défini par la loi de masse

REACTION AU FEU

Incombustible si moins de 1% de matière organique

Protocole de formulation

Afin de réaliser une formulation de béton d’argile coulé, une approche théorique est d’abord réalisée puis validée expérimentalement.

Teneur en terre du mélange

La teneur en terre dépend principalement du pourcentage d’argiles contenu dans celle-ci ainsi que de leur caractère gonflant, pouvant impliquer de nombreuses fissurations dues au retrait.

Voici un diagramme récapitulatif estimant le dosage en terre maximal selon le type de terre.

Les plages de valeurs sur le schéma sont données à titre indicatif afin d’avoir une idée du pourcentage de terre qu’il serait possible de mettre dans le mélange.

Type de liant

L’argile est un liant naturellement présent dans la terre. Afin d’augmenter la résistance en compression du mélange, ainsi que sa résistance à l’abrasion, et afin de faciliter le décoffrage, il est possible d’ajouter des liants hydrauliques à la formulation, tels que le ciment, la chaux hydraulique, la chaux aérienne, le plâtre…

Formulation béton d’argile stabilisée

Guide pour la bonne conduite d'un projet en béton d'argile coulé

Formulation béton d’argile crue avec ajout de fibres

Formulation type

Il est possible d’ajouter des fibres dans le mélange pour limiter le retrait, augmenter la résistance à la traction, ou encore si plus fortement dosées, obtenir des bétons isolants avec des mélanges plus légers.

Éxécution

Déroulé schématique de la réalisation d’un ouvrage en béton de terre

Évaluation environnementale

Cadre de l’étude

Une analyse environnementale de ces matériaux et des formulations mises au point a été effectuée. Nous avons comparé les différentes formulations entre elles et avec des bétons de ciment classiques.

Les résultats sont donnés pour 1m3 de mélange.

Ce graphique met en évidence le lien direct entre l’impact CO2 eq. et le dosage en liant hydraulique. Plus le dosage en liant hydraulique est important, plus l’impact environnemental est important.

D’autre part, nous pouvons observer qu’il faut environ deux fois plus de plâtre que de ciment pour avoir un impact équivalent.

Point de vue

Le béton d’argile coulé est une solution technique favorisant le réemploi de matériaux (terre du site) pour diminuer la consommation de ressources non renouvelables et produire un matériau à faible impact environnemental qui allie performances thermiques, acoustiques et de qualité de l’air.

L’ajout de liant hydraulique au mélange permet d’augmenter la résistance en compression et à l’abrasion, de faciliter le décoffrage et d’envisager une exposition en extérieur.

Plus la teneur en liant hydraulique est élevée, plus l’impact environnemental de la formulation sera important. Il faut alors minimiser l’utilisation des liants hydrauliques afin de pouvoir utiliser du béton d’argile à faible impact environnemental et réutilisable dans le temps.

Justification structurelle et assurantielle

Justification structurelle

A l’heure actuelle, il n’existe pas de Règles professionnelles de calcul permettant de dimensionner des éléments en terre porteuse. Mais les Guides de bonnes  pratiques de la construction en terre crue apportent des éléments et lignes directrices à destination des concepteurs et des artisans à l’égard des techniques  traditionnelles telles que la bauge, le pisé ou encore les briques de terre crue.

A ce jour, afin de faciliter son emploi, le béton d’argile peut être plus facilement justifié si il est associé à une solution structurelle de type poteaux/poutres dans laquelle le béton vient en remplissage.

Dans tous les cas, une justification structurelle doit être assurée par un professionnel compétent.

Justification assurantielle

L’assurabilité d’une solution constructive est un point important afin que l’ensemble des acteurs professionnels du secteur (architectes, maîtres d’œuvre, bureaux d’études, entreprises, artisans…) puisse travailler en toute confiance et sécurité.

Il est nécessaire de mettre en évidence le paradoxe entre le matériau terre crue avec ses modes constructifs ancestraux correspondant aux ouvrages bâtis les plus anciens connus et le système d’assurance et de normalisation actuel considérant ces solutions comme non courantes. Il semble effectivement anormal que les  techniques de construction sur lesquelles nous avons le plus de recul ne soient pas maîtrisées par le système d’assurance.

Il est donc tout à fait possible et envisageable de réaliser des ouvrages en béton d‘argile coulé, du moment que les risques sont identifiés, connus et maîtrisés.

PHOTOS

Conclusion

Le secteur du bâtiment fait partie des secteurs les plus impactants sur le plan environnemental mais aussi les plus consommateurs sur le plan énergétique.

La plus grande partie de ces impacts vient de l’exploitation des bâtiments existant et de leur consommation d’énergie.

Néanmoins, la construction de bâtiments neufs et la réhabilitation engendrent une part importante des impacts de ce secteur.

Béton d‘argile stabilisée

Le béton d‘argile stabilisée (au ciment, au plâtre…) présente l’avantage de réduire l’utilisation de granulats de carrière, de potentiellement réduire le transport routier et d’obtenir un matériau local attrayant.

Il peut suivant sa formulation réduire l’impact carbone vis-à-vis d’un béton de ciment et se rapproche en ce sens des bétons dit bas-carbone. Il est une bonne amélioration du béton de ciment courant mais avec une réduction des performances de résistance mécanique et avec une perte importante des avantages de la terre  crue (perte partielle de la réversibilité du matériau et de sa capacité de régulation hygrométrique).

Béton d’argile crue

Le béton d’argile crue est une alternative judicieuse sur laquelle il reste encore du travail de découverte et de développement à faire. Cette technique nécessite pour la plupart des terres un apport de granulats ou de fibres externes mais pourrait permettre de répondre à un bon nombre d’usages pour un coût modéré.

20/60

(en kg CO2 eq/m3)

Béton d’argile crue

90/165

(en kg CO2 eq/m3)

Béton argile/plâtre

10 à 30% de plâtre

100/125

(en kg CO2 eq/m3)

Béton d’argile

5 à 8% de ciment

125/150

(en kg CO2 eq/m3)

Béton d’argile

8 à 12% de ciment

RÉSISTANCE À LA COMPRESSION

Resistance mecanique materiaux construction

CONTRIBUTION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Resistance mecanique changement climatique 2021 v2